24-07-2025
Péladeau avait des partenaires solides pour acheter Transat
Pierre Karl Péladeau n'était pas seul dans ses nombreuses tentatives visant à acheter Transat A.T. : Investissement Québec (IQ) – le bras financier de l'État québécois – et le Fonds de solidarité FTQ étaient aussi désireux de monter à bord, a appris La Presse.
L'histoire jusqu'ici : 9 octobre 2024 : Pierre Karl Péladeau présente une offre d'achat à Transat.
28 avril 2025 : L'homme d'affaires propose 1 $ pour toutes les actions de l'entreprise.
5 juin : Transat annonce une entente avec Ottawa pour restructurer sa dette.
27 juin : M. Péladeau se tourne vers la Cour supérieure pour forcer la tenue d'un vote des actionnaires sur l'accord.
7 juillet : Le tribunal rejette la requête du plaignant.
Confidentielles, ces informations se trouvent dans le contenu de trois propositions d'acquisition transmises par l'homme d'affaires les 28 avril, 9 mai et 17 juin derniers à la compagnie à l'étoile bleue et que nous avons pu consulter.
Par l'entremise de ses sociétés de placement, M. Péladeau est le deuxième actionnaire en importance de l'entreprise québécoise. Il a récemment échoué à forcer la tenue d'un vote sur l'entente ayant permis à la société mère d'Air Transat de restructurer sa lourde dette.
Lisez l'article « Péladeau débouté par la Cour supérieure »
Malgré tout, l'actionnaire de contrôle de Québecor se dit toujours ouvert à mettre la main sur le transporteur aérien et voyagiste, avait-il affirmé à l'agence Bloomberg, le 14 juillet dernier.
Les noms d'IQ et du Fonds de solidarité FTQ – premier actionnaire de Transat – apparaissent même dans la proposition datée du 28 avril dans laquelle M. Péladeau n'offre que 1 $ pour l'ensemble des actions de l'entreprise.
À ce moment, le spécialiste du voyage d'agrément n'avait toujours pas annoncé d'entente avec le gouvernement fédéral, son principal créancier, auquel il devait 772 millions. Le plan du magnat des télécommunications : restructurer Transat par le truchement d'une procédure d'insolvabilité, où les actionnaires peuvent perdre l'ensemble de leur mise.
« L'acheteur discute avec le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec, peut-on lire dans le document de huit pages qui est signé par M. Péladeau. Ceux-ci ont confirmé leur intérêt de travailler avec l'acheteur et de participer au financement de la transaction pour ainsi supporter non seulement la pérennité de la société, mais sa croissance et la création d'emplois qui s'en suivrait. »
PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE
Le PDG de Québecor, Pierre Karl Péladeau, est le deuxième actionnaire en importance de Transat par l'entremise de ses sociétés de placement.
On n'y évoque toutefois aucune somme qui serait mise sur la table par le Fonds et la société d'État, signe qu'il y avait encore du pain sur la planche pour boucler les pourparlers. Si une transaction s'était concrétisée, M. Péladeau prévoyait mettre un « financement intérimaire » de 150 millions à la disposition de Transat.
Il n'a pas été possible de savoir pourquoi le fonds de travailleurs semblait ouvert à se contenter de 1 $ pour son bloc d'environ 4,4 millions d'actions pour ensuite délier les cordons de sa bourse afin d'épauler financièrement Transat.
« Le Fonds ne commente pas ses stratégies d'affaires dans un dossier particulier, d'autant plus dans le cas d'une entreprise publique pour ne pas influencer indûment le cours de l'action », a écrit sa porte-parole, Cécile Amara.
Par courriel, IQ a confirmé avoir eu des échanges avec les sociétés de M. Péladeau « dans le cadre d'un potentiel projet d'acquisition de Transat » dans l'éventualité où une proposition de l'homme d'affaires était retenue. De son côté, Transat a souligné ne pas avoir participé à ces échanges.
Les sociétés de M. Péladeau n'ont pas répondu aux questions de La Presse.
Les mêmes remarques concernant l'intérêt d'IQ et du Fonds se retrouvent dans les projets d'entente du 9 mai ainsi que du 17 juin – où l'homme d'affaires se disait prêt à proposer 2,64 $ pour chaque action de Transat.
Des deux côtés
Était-il délicat pour le Fonds de solidarité FTQ d'avoir des pourparlers avec les sociétés de M. Péladeau alors que cet investisseur institutionnel est également le plus important actionnaire de Transat ?
Ce sont des choses qui arrivent, souligne Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie à la faculté des sciences de l'administration de l'Université Laval, qui se spécialise notamment dans les enjeux de gouvernance.
« On peut penser que ce sont probablement des équipes différentes [au Fonds] qui se sont occupées des discussions pour s'assurer que les questions de conflit d'intérêts soient gérées comme il se doit », souligne-t-il.
L'expert ajoute que les offres de M. Péladeau ne comportent pas d'« engagements formels » de la part du Fonds de solidarité FTQ et d'IQ, ce qui suggère qu'il y avait encore plusieurs étapes à franchir avant de conclure une entente de financement en bonne et due forme.
En dépit de son revers devant la Cour supérieure plus tôt ce mois-ci, le magnat des télécommunications ne semble pas avoir jeté l'éponge. Il rêve toujours de mettre la main sur le transporteur québécois.
Même en sabrant de moitié – à 334 millions – sa dette auprès d'Ottawa, le travail est loin d'être terminé à ce chapitre, selon M. Péladeau.
« L'entreprise aura besoin d'une autre restructuration, avait-il expliqué à Bloomberg. Ils ne peuvent pas vivre avec cela. S'ils vivent avec, ils seront limités dans leur capacité de développer l'entreprise. »
Depuis l'annonce de l'entente entre Transat et Ottawa, le titre du spécialiste du voyage d'agrément s'est envolé d'environ 40 % à la Bourse de Toronto. Mercredi, il a clôturé à 2,67 $.
L'entente entre Transat et Ottawa
L'accord financier entre Transat et la Corporation de financement d'urgence d'entreprises du Canada, une société fédérale, se décline en plusieurs volets. Concrètement, son énorme dette de 772 millions en prêts de secours obtenus du gouvernement fédéral pendant la pandémie est sabrée de moitié, par le truchement d'une série de transactions. Un des mécanismes permet à la Corporation, à terme, de détenir près de 20 % des titres de Transat – un aspect qui contrarie M. Péladeau. Si ce scénario devait se confirmer, Ottawa deviendrait le principal créancier ainsi que le plus grand actionnaire de Transat.